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«La Russie en moi : comment un pays étranger est devenu le mien»

J’ai toujours pensé qu’un voyage change un être humain. Non seulement parce qu’il t’emmène loin de chez toi, mais aussi parce qu’il trace une route, non pas sur une carte, mais au plus profond de toi-même. Le mien a commencé dans la ville chaude et ensoleillée d’Akpro-Missérété, au Bénin — parmi des rues imprégnées d’arômes d’épices et de l’animation des marchés. Là où je suis né le 28 février 2002, on m’a appris à aimer ce qui est nôtre, à respecter les traditions et à absorber avidement le savoir.
Mon enfance s’est déroulée dans une atmosphère où l’éducation était perçue comme la plus grande des richesses. Je me passionnais pour les technologies, j’apprenais les langues africaines, je participais à des olympiades de mathématiques, d’informatique et de physique. Après le lycée, diplômé avec mention d’excellence, je rêvais de plus grand — de connaissances capables d’ouvrir devant moi les frontières du monde. C’est ainsi qu’en 2021 je suis arrivé en Russie pour apprendre le russe, puis j’ai intégré l’Université d’État de Tioumen dans le domaine de la «Sécurité de l’information».
C’est là que, pour la première fois, j’ai vu la neige recouvrir la terre d’un manteau doux et blanc, et senti l’air si pur et si vif qu’il semblait possible de peindre avec lui. Les premiers mois en Russie furent comme vivre dans un brouillard dense : l’adaptation culturelle représentait une véritable épreuve. La langue russe, avec tous ses cas, ressemblait à une montagne infranchissable, mais pas à pas, j’ai commencé à gravir ses pentes. J’apprenais non seulement à comprendre les mots, mais aussi à ressentir leur musique, à saisir les intonations, à comprendre les blagues, à répondre à un sourire par un sourire. Peu à peu, ce qui paraissait étranger s’est inscrit dans ma quotidienneté : le goût du bortsch brûlant, les conversations universitaires sur l’actualité, l’habitude de saluer ses voisins. J’ai découvert que l’âme russe ne s’ouvre pas immédiatement, mais qu’une fois la confiance gagnée, elle devient un véritable foyer.
La Russie est devenue mienne le jour où je n’ai plus été simplement un invité, mais où j’ai commencé à donner en retour. J’ai rejoint le programme «Buddy», pour aider les étudiants étrangers à s’adapter, et je suis devenu coordinateur des pays d’Afrique au sein de l’Association des étudiants étrangers de l’Université de Tioumen. J’ai compris que je pouvais être un pont entre les cultures, parler de mon Afrique et découvrir la vraie Russie — non pas à travers les manuels, les journaux ou les films, mais à travers la communication vivante, les projets partagés, l’entraide. En décembre 2022, j’ai fondé l’Union africaine de la Région de Tioumen, devenue aujourd’hui l’Organisation autonome à but non lucratif Centre de Développement de la Coopération Internationale et Culturelle Afrique–Eurasie «Union africaine de la Région de Tioumen» (https://asto72ar.ru).
Nous y créons des projets où la culture devient un pont et le dialogue, le socle de la coopération. L’un de ces projets est MEDIA ASTO (https://asto72ar.ru/media_asto573), une plateforme médiatique internationale de jeunesse qui brise les stéréotypes et relie les gens à travers leurs histoires. La Russie m’a aussi offert la possibilité de m’accomplir dans l’entrepreneuriat : j’ai fondé à Tioumen la société UBUNTU, qui regroupe un salon de beauté afro et une boutique de produits africains, promouvant la culture africaine dans la région.
J’ai participé à des festivals, forums et concours internationaux, représentant la jeunesse d’Afrique et d’Eurasie sur de nombreuses scènes. Aujourd’hui, maîtrisant trois langues internationales, je conçois des initiatives culturelles et éducatives visibles en Russie comme à l’étranger — qu’il s’agisse de publications dans des médias internationaux ou de projets communs avec la jeunesse de différents pays.
La Russie en moi, ce n’est plus une carte ni une frontière. Ce sont des amis devenus une famille. Ce sont des amphithéâtres où l’on débat et où l’on apprend. C’est la neige froide et les mains chaudes de ceux qui m’ont soutenu dans les moments difficiles. C’est un pont que je construis chaque jour — entre l’Afrique et l’Eurasie, entre le passé que j’ai apporté avec moi et l’avenir que nous créons ensemble.
Un pays étranger est devenu le mien le jour où j’ai compris que je ne faisais pas que vivre ici : j’étais devenu une partie de son histoire — tout comme elle est devenue une partie de la mienne. Et peut-être que le don le plus précieux que la Russie m’ait offert, c’est la conviction que notre maison commune peut être bien plus vaste que n’importe quelle frontière.
Mon parcours n’est pas une histoire d’émigration. C’est une histoire de rencontre. Celle d’un homme et d’un pays qui, d’abord étrangers, ont trouvé un langage commun — celui des bonnes actions, du respect et du rêve d’un monde sans frontières.

GBETOHO K. A. Romain
Président de l’Organisation autonome à but non lucratif Centre de Développement de la Coopération Internationale et Culturelle Afrique–Eurasie «Union Africaine de la Région de Tioumen».

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